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Bourse: l’éditorial de Dr Félix Edoh Kossi AMENOUNVE, Directeur Général de la BRVM et du DC/BR

Bourses africaines: La difficile marche vers le financement à long terme du continent et vers l’efficience.

Depuis le début des années 2000, l’évolution du système financier en Afrique a été marquée par l’émergence ou le développement de nouveaux acteurs, notamment des bourses de valeurs mobilières dont le nombre est passé de 18 en 2000 à 29 aujourd’hui, sur le continent. Cette évolution positive semble cohérente avec les politiques économiques adoptées par la plupart des pays qui font une large part au financement des infrastructures de développement et aux investissements dans le secteur privé.
Est-ce pour autant que les bourses ont rempli les missions qui leur sont assignées ? Quelles sont les réalisations obtenues ? Quelles sont les embûches sur le chemin ? Quelles sont les solutions à envisager ?

BONNES NOUVELLES !

Les bourses africaines ont plusieurs réalisations à leur actif. En effet, entre 2000 et 2017, leur capitalisation globale a presque quadruplé passant de 261 milliards à 1 000 milliards de dollars américains. Elles ont pour la plupart ainsi changé de dimension en renforçant la base des investisseurs locaux tout en s’ouvrant davantage aux investisseurs internationaux.
La capacité des bourses africaines à mobiliser des ressources s’est également accrue. En effet, en termes d’augmentations de capital, les bourses africaines ont permis de mobiliser 10,56 milliards de dollars en 2017 contre 5,1 milliards en 2013, soit un peu plus du double en cinq (5) ans. S’agissant des Offres Publiques Initiales (IPO), les bourses africaines ont enregistré 28 nouvelles introductions en 2017 contre 23 en 2013, pour une levée de ressources qui est passée de 902 millions de dollars à 2,87 milliards de dollars sur la période, soit plus du triple en cinq (5) années.
Dans la même veine, 15 bourses africaines ont lancé des marchés ou compartiments PME, dont 14 au cours des 15 dernières années. A ce jour, environ 182 PME sont cotées en Afrique.
Les bourses du Continent se sont aussi mises au diapason du fulgurant essor des nouvelles technologies. Plusieurs sont passées à la cotation en continu et à la bourse en ligne tout en multipliant les réflexions sur la pénétration des technologies disruptives dans leurs activités. Des efforts importants sont également déployés, par l’ensemble des bourses africaines, pour le renforcement de l’éducation financière des populations à travers des journées de sensibilisation, des formations présentielles ou en ligne, etc.
Enfin, trois (3) bourses du continent sont cotées sur leurs propres marchés : Johannesburg Stock Exchange en 2006, Nairobi Securities Exchange en 2014, Dar es Salaam Stock Exchange en 2016. La Nairobi Securities Exchange a, pour sa part, cédé 38 % de son capital dans le cadre d’un IPO de 7,1 millions de dollars en août 2014. Dar es Salaam Stock Exchange a, quant à elle, mobilisé 3,4 millions de dollars par la cession de 15 millions d’actions.

MAUVAISES NOUVELLES !

Les bourses sont malheureusement encore soumises à de trop fortes fluctuations. En effet, la volatilité des prix et des indices, au cours de ces dernières années, soulève des préoccupations aussi bien de la part des investisseurs locaux qu’internationaux. Ces préoccupations ont essentiellement trait au degré d’efficience des bourses africaines et à leur capacité à garantir aux investisseurs, sur le long terne, un rendement supérieur comparativement aux supports alternatifs de placement.
A titre illustratif, la Bourse de Johannesburg a enregistré en 2015 une hausse de 1,85 %, puis en 2016 une baisse de 0,08 % et en 2017 une hausse de 17,47 %.
La Bourse du Nigéria a enregistré en 2015 et 2016 des baisses respectives de 17,36 % et 6,17 % avant d’enregistrer une progression de 42,30 % en 2017. La Bourse d’Egypte a reculé de 21,52 % en 2015, puis a progressé de 76,20 % et 21,66 % respectivement en 2016 et 2017. La BRVM a terminé l’année 2017 sur une tendance baissière (-16,81 %), à l’instar de l’année précédente (-3,87 %) après avoir enregistré de fortes progressions successives de 2012 à 2015, pour un cumul de 88,2 %. La Bourse du Ghana a enregistré en 2015 et 2016 des baisses respectives de 11,77 % et 15,33 % avant d’enregistrer une progression de 52,73 % en 2017. La Bourse du Zimbabwe a enregistré en 2015 une baisse de 29,45 %, puis en 2016 et 2017 des hausses respectives de 25,84 % et 124,16 %. Quant à la Bourse du Botswana, elle a enregistré une hausse de 11,67 % en 2015 avant de reculer à 11,40 % en 2016 et 5,75 % en 2017. Cette évolution erratique qu’on observe souvent sur les bourses des pays développés ou en émergence est plus difficilement acceptée pour le continent africain. A titre d’exemple, la Bourse de Paris a reculé de 0,54 % en 2000, puis de 42,68 % en 2008 avant de gagner 9,26 % en 2017. La Bourse de Shanghaï a affiché une baisse de 15,40 % en 2004, puis une hausse de 315,44 % en 2007, suivie d’un recul de 65,39 % en 2008 avant de se fixer à +6,56 % en 2017.
Il n’est donc pas surprenant d’observer une bourse évoluer à la baisse, après avoir enregistré une période de hausse relativement longue, et vice-versa.
Est-ce pour autant qu’il faut céder à la panique ?
Il me paraît important de rappeler les principes fondamentaux de l’investissement sur les marchés boursiers. Il s’agit notamment des règles d’or suivantes :
(i) garder son sang-froid : pas de panique quand les cours commencent à chuter; pas d’emballement non plus, quand souffle le vent de la hausse ; (ii) ne pas investir toutes ses économies en bourse; (iii) ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier : diversifier les achats de titres et penser au long terme : plus vous investissez sur le long terme, plus vous diminuez le risque que vous encourez ; (iv) se faire guider par un professionnel; (v) se méfier des rumeurs ; (vi) ne pas acheter des valeurs trop chères ; (vii) se tenir informé non seulement de l’actualité économique et financière mais aussi de l’actualité politique. Le respect de ces règles d’or s’impose si on a une vision à long terme de l’investissement en bourse.

LA BATAILLE DE LA LIQUIDITE : CAS DE LA BRVM

Dans ce contexte tumultueux avec son lot d’inquiétudes légitimes des investisseurs non habitués, la BRVM est en train de gagner silencieusement la bataille de la liquidité. En effet, la liquidité de la Bourse Régionale est passée de 5,46 % en 2012 à 21,88 % en 2017, grâce au passage à la cotation en continu, aux opérations de fractionnements intervenues sur le marché et à l’obligation faite aux sociétés cotées de respecter le flottant réglementaire.
Ainsi, depuis 2013, les volumes transigés à la BRVM sont en forte progression. Ils sont passés de 65,6 millions de titres échangés en 2013 à 217,7 millions de titres en 2017, soit une hausse de 231 %. Si l’efficience se résume à la capacité des cours des sociétés cotées à refléter à tout moment toute l’information disponible sur le marché ou encore en la capacité des investisseurs à formuler des anticipations rationnelles et à transiger sur la base de ces anticipations, le chemin est encore trop long pour la plupart des bourses africaines.

QUE FAIRE ALORS !

Education, éducation et encore éducation des investisseurs ;
Professionnalisation, professionnalisation et encore professionnalisation des acteurs du marché ;
Diffusion, diffusion et encore diffusion d’informations financières et non financières par les sociétés cotées ;
Enfin, respect, respect et encore respect des règles de fonctionnement du marché.

SOURCE : Financial Afrik

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